Après tous mes problèmes avec Neptune et les siens, j'ai compris qu'entre la mer et moi, il n'y aurait jamais d' histoire d'amour!
Ne faut-il pas savoir raison garder?
Bien ancrée sur le plancher des vaches, je continue ma vie, sereine...lorsque des amis
débarquant de la Capitale, me propose de venir visiter l'exposition concernant la décoration des paquebots, dans les années 30...
Jusqu'à la, point de problème, la déco, c'est mon métier, et je considère les années 30 comme une période bénit des Dieux quant à la créativité. Et puis cette rétrospective
à lieu dans des bassins construits par la marine allemande pendant la guerre, pour y cacher les sous marins...
La mer n'est pas tout près , le bateau une reconstitution grandeur nature...la proposition m'enchante.
A notre arrivée nous sommes accueillit par de somptueuses affiches de La Cunar Cie
déjà le rêve commence, notre croisière nous entrainera dans la mer de Norvège à la rencontre des pays scandinaves et de la beauté de ses fjords . D'emblée nous sommes mis en condition par le Commandant et une partie de son équipage.
La mise en scène est superbe et très vite, je me laisse prendre au jeu.
Je m'imagine en costume de voyage signé Patou, suivant un fringant officier beau comme Paris- Alexandre...désigné pour m'accompagner jusqu'à ma cabine...somptueuse...les murs recouverts de boiseries en placage de sycomore, et des meubles en ébène de macassar, la salle de bains, en marbre gris possède une ravissante coiffeuse plaquée en bois précieux, et marqueterie...une pure merveille de raffinement, de luxe et de beauté...Depuis mon expérience avortée de voyage sur un voilier, le mot cabine me foudroie.
Mais la, je suis très loin du sarcophage à microbes que l'on m'avait octroyé!
Une impression d'espace se dégage, la reconstitution est saisissante, au cours de la visite, nous retrouverons Leleu, Schenk, Franck, enfin tous les talentueux créateurs de l'époque qui ont su donner à l'artisanat français ses lettres de noblesse.
Avec mes amis, nous continuons la visite.
Nous descendons le grand escalier,à la rampe en fer forgé de Raymond Subes et admirons au passage les frises en laque de Dunan, plus bas, les tables décorées à profusion de cristaux, d'argenterie brillent de milles feux...Je me sens souveraine, dans la robe de Paul Poiret ou Schaparelli que naturellement... en rêve j'ai revêtu...
Curieux de tout, les jours et les nuits tournent en accélérés, et nous voici sur le pont promenade, admirant de loin les icebergs, et les terres gelées de L'arctique...nous croisons quelques paquebots...peut être l'Ile de France décoré par Ruhlmann, que sais-je, l'exposition est si bien faite que la réalité rejoint la fiction!
Devisant avec mes amis, je leur dis dans un éclat de rire, qu'heureusement que nous ne sommes pas sur la mer, car j'ai maintenant la réputation d'avoir "le mauvais oeil" dès que j'approche un navire.
Peu de temps après ces propos anodins,vu les circonstances, un officier nous appelle
afin de nous convier à une séance de cinéma. Nous avons droit aux actualités de l'époque...quand...soudain...une sirène retentit...Le Capitaine en personne nous informe
que nous venons de rencontrer un iceberg et que nous allons être évacués sur les chaloupes prévus à cet effet...Pas de panique, Mesdames, Messieurs, nous avons le temps de sortir...
Sachant où nous sommes chacun applaudit à cette mise en scène pour nous indiquer... que la visite est terminée.
Gaiement, nous attendons notre tour pour prendre une de ces chaloupes suspendues dans le vide au dessus de l'eau des bassins.
Lorsque vient notre tour, nous sommes dans les derniers à être "sauvés" l'officier qui dirige la manoeuvre pénètre avec nous,pour l'ultime voyage, il n'y a plus personne à bord.
Actionnant la manette permettant la descente le long des flans du navire, celle-ci refuse
de bouger...un essai, rien, deuxième tentative...la chaloupe descend d'un seul côté...
nous laissant suspendu entre ciel et eau , mais à l'oblique naturellement, il y a quelques cris...je suis tétanisée...et soudain certainement, après un ultime essai, nous descendons d'un seul coup, et je dois dire que la réception sur l'eau ne fut pas des plus agréables...et je tairais nos vêtements mouillés!
Décidément, je ne serais jamais l'épouse de Neptune, car même à quai, la mer me rejette.
Maudite, trois maudite par tous les éléments du monde marin, je ne veux plus jamais monter dans un navire, fut-il une maquette.