Après avoir subit une tempête mémorable et terrifiante sur un bateau à moteur, je me suis jurée de ne ne plus jamais poser le bout de mon pied, que dis-je le plus petit de
mes orteils sur le pont d'un navire fusse-t-il un paquebot... Mais, me voilà encore tributaire de mon éducation de petite fille modèle!
Une fois de plus je suis invitée sur un voilier pour, non pas pour une promenade mais, pour une virée de 4 jours dans le Golfe du Morbihan. J'imagine d'ici les amoureux de la mer, tous les voileux en mal de bateau en train de se demander pourquoi ce genre de chose n'arrive qu'à moi. Moi aussi, d'ailleurs!
Dans ma petite tête parfois innocente, je me vois à la proue de cette embarcation arachnéenne, avec pour seule musique le chuintement de l'eau lorsque sa coque profilée fend la mer avec amour, de son orgueilleuse étrave et surtout profiter du paysage en toute sérénité.
Écouter le silence de la mer!
Et puis, pendant quelques jours, dormir dans une cabine, être bercée par le clapotis de l'eau sur la coque et le tintinnabulement des haubans sur les mats, entendre et voir de plus près les mouettes, quoi de plus réjouissant...n'est-ce pas le paradis sur mer!
Pendant le trajet me conduisant jusqu'au port, je rêve, je fantasme, laissant voguer mon imagination par delà les océans...
Le capitaine et son barreur m'ont bien expliqué ce que je ne dois pas faire et surtout ce que je dois fair:tirer des bords, affaler les voiles, affaler?...m'affaler,oui, sur le pont pour me faire caresser par le chaud soleil,
et essayer de rattraper les petits nuages marchant sur ma tête, là je suis d'accord...ils m'expliquent tant de chose, dans ce jargon de plaisancier si étrange pour un profane, que je les écoute d'une oreille plus que distraite, persuadée que comme beaucoup d'hommes d'équipage, il veulent intimider la pauvre blonde que je suis.
Enfin, j'aperçois la bête,10m de long, un mat, des haubans, des drisses, enfin pleins de choses qui risquent de m'empoisonner la vie, moi, qui circule sans jamais regarder où je mets mes pieds.
Ce navire, la fierté de son capitaine, l'enfant chéri, la danseuse qui lui vide les poches à chaque avitaillement, fringant, attend ses matelots pour une fois de plus les emporter loin du rivage.
Après avoir enlevé mes chaussures, j'ai le privilège de monter à bord, les occupants des voiliers voisins, viennent nous saluer, je trouve qu'au royaume des voileux la politesse est reine, et cela laisse augurer d'une bonne croisière...
Chacun apporte quelque chose , et nous trinquons tous réunis dans le carré....que je trouve très petit pour un voilier de cette taille . Mon oeil acéré de professionnel fait le tour de ce volume très restreint, le capitaine m'ayant venté ses 4 cabines, je lui demande innocemment de faire le tour du propriétaire...
Sa fierté n'a d'égale que son amour pour ce monstre...enfin quelqu'un qui veut faire une visite guidée!
Il me montre le carré, cela, je l'avais deviné, mais je ne savais pas qu'il servait de salle à manger, avec escamoté sur la gauche, pardon à bâbord: son coin cuisine,et à tribord la station radio et météo ainsi que d'endroit pour lire les cartes, et éventuellement un lit d'appoint!
Déjà cela refroidit mes rêves de croisières....continuant la visite, je découvre la salle d'eau lavabo WC, le tout dans un mètre carré environ...se laver les dents en prenant sa douche tout en satisfaisant à un besoin naturel...un moyen de gagner du temps lorsqu'il y a plusieurs personnes à bord!
De plus en plus inquiète par la configuration des lieux, j'exprime timidement le désir de voir ma cabine...pouah! l'horreur, un cercueil pour lilliputien, 1,80mde long, 0,80m aux épaules, et 0,40m aux pieds, avec un minuscule hublot, hauteur sous plafond, aller je vous le fais à 0,60m et je suis généreuse.De plus je dois y ranger mon bardas! Je m'égare.
Je fusille d'un oeil mauvais le capitaine, j'évalue le dortoir pour moucheron et attrapant mon sac au vol, bousculant au passage les occupants du carré, je m'enfuis, je m'envole, je me sauve, d'un geste de la main, je salue la foule éberluée par tant d'impolitesse, et cours plus que je ne marche sur les passerelles métalliques reliant les bateaux au plancher des vaches.
Claustrophobe avant que d'être née, dormir dans si peu de place. Impensable.
Moi, qui avait rêvé de "la croisière s'amuse", impossible de vivre pendant 4 jours dans une telle promiscuité.
A suivre...