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4 février 2011 5 04 /02 /février /2011 19:10

Pierre Daninos écrivait:

" A part l'amour de la cuisine, rien ne se fait comme il y a cinquante ans."

 

Comme cela est vrai. En un demi siècle que de changement, de nouvelles technologies

qui nous rendent parfois la vie plus facile, mais souvent nous obligent à aller toujours plus vite, toujours plus avant...

Qui se souvient des salons de coiffure, que l'on disaient moderne dans les années 50-60?

Allez, faisons un petit tour dans le passé, au demeurant pas si lointain.

Un brin de nostalgie pour les plus anciens, une" leçon de choses" comme nous disions à l'école, pour les plus jeunes...

Laissons la parole à la petite voix de Julia...

 

 

  

Monsieur Antoine est coiffeur

Son salon se trouve au rez de chaussée

Tu as le droit d’y accompagner ta Mère, le jour de son indéfrisable!

Tu es sage, tu te fais toute petite, car c’est un privilège !

Tu t’assieds sur un petit banc, les yeux à hauteur de la pédale actionnant l’élévation du fauteuil,  nécessaire pour certaines opérations.

De ta place, tu observes Madame Antoine, manucure en action :

le ballet des limes en métal crissant sur les ongles, la pince pour enlever les petites peaux, le chuchotement du polissoire, qu’elle passe et repasse, avec douceur…

Tu sens l’odeur un peu entêtante du vernis, d’un rouge profond, qui petit à petit, habille le bout des doigts de sa cliente ; Madame Antoine s’applique, elle sort le bout de sa langue, ne doit-elle pas dessiner la lunule !

 Tu aimerais que ta Mère se fasse peindre les ongles !

Ridicule, te répond- elle, c’est pour les cocottes !

Les cocottes ???…encore un mot qui restera sans explications !

C’est ainsi avec ta Mère…

 

Ce salon est équipé d’appareils bizarres, tu n’es pas rassurée !

 

D’abord, ce séchoir sur pied, ce dragon au long cou, en armure, avec ces étincelles crépitantes sortant de son ventre rond. Monsieur Antoine l’agite, en frictionnant de sa main bagousée, la chevelure de sa cliente.

Mais surtout, rappelle-toi… la trayeuse  suspendue au plafond… justement pour l’indéfrisable à chaud.

Monsieur Antoine prend une mèche,  l’entortille autour d’une sorte de rouleaux métallique, puis, après avoir placé une rondelle en caoutchouc, afin de protéger le crane de la chaleur, introduit ces bigoudis dans les

cylindres en bakélite noire de la dite trayeuse.

Appuyant sur la manette, il  fait monter le fauteuil, afin que Madame Mère

fasse  corps avec l’appareil.

Toujours le même cérémonial !

Avoue…N’as-tu jamais envisagé d’actionner …oh ! Par inadvertance… le levier pour faire descendre d’un seul coup le fauteuil, laissant ainsi Madame Mère suspendu par les cheveux…

 

-         … ?... idiote

 

L’indéfrisable porte bien son nom, Madame Mère reste frisée comme un mouton pendant six mois !

Lorsqu’elle passe à la caisse, furtivement, tu jettes un coup œil du côté du salon des Messieurs.

Tu aimes la mélodie métallique, robotisée, du clic- clic  des ciseaux maniés avec dextérité par Monsieur Marcel, sa chevelure poivre et sel brillantée à souhait.

Tu le vois dans sa blouse blanche, un peu petite pour son ventre épais, tourner  autour du fauteuil, s’activer avec sa brosse pour enlever les reliefs des cheveux coupés, et prendre avec affèterie le vaporisateur à poire, et inonder de « sent bon » son client, le cou rosi à l’endroit de la coupe !

Le claquement sec du peignoir que l’on secoue, indique…

Au suivant…

 

Comme les chevaux, tu retrousses tes narines, afin d’emporter avec toi toutes

ces effluves : subtil mélange d’œillet, de chypre et de shampooing sublimé par la vapeur des serviettes chaudes, entreposées dans la grosse boulle en métal.

 

 

Extrait de Gazoute ou l'étoile en balsa

 

 

 

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30 janvier 2011 7 30 /01 /janvier /2011 14:23

Il y a quelques dizaines d'année, alors que les rues de Paris n'étaient pas bétonnées par tous ces interdits...il éxistait  dans le quartier du Marais, une petite rue célèbre jusqu'en Amérique : La Rue des Rosiers.

 

Un Ghetto, diraient certains.

 

Peut être, mais...un ghetto libre,où les juifs du monde entier se retrouvaient, qui pour aller au Hammam, qui pour prendre une vodka et manger un morceau de hareng gras chez Jo (Goldenberg) et, plus tard, parler de l'Attentat...qui, pour savourer de délicieux falafel, ou une brik, selon ses origines...

D'autres , tout simplement pour allez à la synagogue...

Pendant les fêtes juives, les chants enveloppaient la rue dans un châle d'allégresse.

 

 Certes, elle n'était pas toujours rutilante, mais elle vivait, elle portait en elle tous les souvenirs de ces émigrés venus en France, pour fuir les persécutions...

 et, emportés dans la tourmente de la Shoah...Pensez donc, un creuset pour les rafles!

 

Ces Simon, Sarah, Goutcha, Avrom, David, Elie, Cirla et tant d'autres...avaient pour seule sépulture...un nom sur un mur et la rue des Rosiers...

 

Pourquoi toucher à ce passé?

 

Pourquoi aseptiser cette rue?

 

Pourquoi encombrer les souvenirs avec des magasins ...même si se sont des shmattès* de luxe !

Et tous ces cafés, bien loin du mode de vie des anciens habitants ...

 Pourquoi rendre cette rue, oh! combien mythique, semblable aux autres petites rues du Marais?

Pourquoi ce nouveau pavage...ces éclairage...ces dos d'ânes...pourquoi tous ces attributs

synonymes d'une rue lambda? 

 

Et surtout: pourquoi y avoir planter des arbres?

 

Les rosiers  n'étaient-ils pas suffisant pour rappeler que ses habitants ont connus en son sein la douceur et le parfum de la fleur, et la douleur de ses épines...

 

*shmatté: en yiddish: chiffon

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27 janvier 2011 4 27 /01 /janvier /2011 18:02

  Extrait de Gazoute ou l'étoile en balsa

 

-         J’adorais mon travail du samedi, j’étais chargée de m’occuper de la petite décoration.

-         C'est-à-dire les tissus, les rideaux, les luminaires…

-        Je pris l’habitude de porter chez mon voisin  le tapissier,  les commandes du samedi. Ce vieux Monsieur, au demeurant, très égrillard, toujours une histoire grivoise à porter de bouche, m’apprit les secrets de ce métier.

Mon amour du bel ouvrage, du travail abouti, c’est à lui que je le dois.

Les lambrequins, les  tètes flamandes, les embrasses, les cartisanes à gland, devinrent des mots familiers à mes oreilles.

-         J’appris à reconnaitre les soieries, les lampas, les taffetas... tous ces tissus employés pour la décoration de l’époque.

-         Je me perdais chez Houles, rue Saint Nicolas, au milieu des passementeries, passepoils et autres garnitures. Le coton mercerisé chatoyait. Je choisissais les couleurs  de ces ganses afin de les assortir aux tissus sélectionnés pour les rideaux de mes clients.

-        J’y passais des moments délicieux.

-         D’emblée, j’ai passionnément aimé ce métier !

-         Et puis, je furetais dans les cours, j’y rencontrais les artisans, qui, héritiers   pour certains de grandes lignéesd'ébénistes, accomplissaient un travail d’exception.       

    Longtemps j’ai travaillé avec eux, malheureusement, les dynasties s’épuisent, car ce sont des métiers difficiles.

-         Le travail issu de la main de l’homme n’est plus reconnu. Trop onéreux pour le commun des mortels, il ne subsiste, que grâce aux commandes de certains architectes et décorateurs, dont je fais partie. Petit à petit, nous perdons une vraie richesse.

-        Jusqu’au bout j’essaierai  de travailler avec ces hommes qui portent l’amour de leur métier comme une bannière !

 

-         Je ne le répèterai jamais assez…j’ai adoré ce faubourg.

-        J’avais l’impression d’y être née. Je connaissais tout le monde…

 Je passais de magasin en magasin, saluer les uns,  embrasser les autres, j’étais en symbiose avec tous ces personnages à l’humour décapant, qui dans un éclat de rire tragique me montraient leur numéro de téléphone inscrit sur leur avant bras… Une ironique manière de dédramatiser leur douleur! 

 

-        Tu ne peux imaginer la mienne lorsque je vis pour la première fois ces chiffres gravés dans la chair  de l’homme par la main de l’homme…  

  

L’Homme : comment associer ce mot si beau à cette abjection

 

Avec eux j’appris à rire beaucoup de moi-même et un peu des autres aussi!

 

-        Se promener dans ce quartier, c’était à coup sur découvrir un passé glorieux fait de sueur et de sang.

-         Chaque immeuble, bien souvent abimé par l’érosion du temps, chaque cour étaient une encyclopédie à ciel ouvert. Les murs parlaient à ceux qui savaient les entendre et les écouter ! Ils transpiraient la petite histoire de l’histoire de France !     

    Derrière chaque façade, vous rencontriez des hommes désirant vous faire partager leur  passion du travail bien fait, fiers du résultat obtenu, toujours en quête du Chef d’œuvre.

-        Et puis les odeurs : des vernis, des colles, et celles, un peu sucrées des patines.

-         Le bruit du marteau des tapissiers, des  semences plein la bouche, tapant un siège, pour reprendre leur jargon, et les petits arpètes, qui pour leur bizutage, allaient chez le pharmacien, acheter :

-        du sirop Decordome !

 

Tu veux m’expliquer ?

Du sirop Decordome, tu soignes quoi avec cette potion magique ?

 

-         Je ne te dirais pas ce que tu veux entendre sortir de ma bouche, que tu juges trop prude !

-         Disons, que le sirop Decordome soigne…..l’affaiblissement de la natalité, dans le monde. Responsable du baby boom, en quelque sorte!!!

-         Es-tu satisfaite ?

-         Depuis le temps, tu devrais savoir que je suis la reine des pirouettes.

 

-          Chaque corporation avait ses règles, et ses devoirs.

 

-         Pour l’apprenti, faire le tour de France pour parfaire sa technique, était

         encore dans les années 66 quelque chose d’important. Puis, il revenait                

         au Faubourg, sûr et orgueilleux de son savoir, afin de relever le flambeau.

-         Les compagnons du devoir  défilaient tous les ans avec leur canne noueuse ou richement sculptée, dans notre faubourg.

 C’était le retour des fils prodiges.

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3 janvier 2011 1 03 /01 /janvier /2011 18:44

piste square des batignollesBonsoir,                                       

Ce soir je vous propose de suivre Julia dans le square des Batignolles...

 

Elle a 8 ans et le Père Noèl a déposé dans ses babys vernis une paire de patins à roulettes...

Ils sont beaux, ils ont trois roues, mais pas des roues en fer, non, des roues habillées de pneumatique, afin de ne pas effrayer les oiseaux...le rolls des patins en quelque sorte.

j'allais oublier: avec un frein devant...Pour s'arrêter, fastoche, tu montes sur la pointe, comme une danseuse,  et le tour est joué...enfin presque!

Comme elle ne doit pas se salir, pour la circonstance, elle a revêtu un pantalon gris bleu...pas encore le jean, mais pas loin tout de même...Julia est fière, elle s'élance, bien penchée en avant, comme le lui a expliqué son cher Papa, mais que lui arrive -t-il, le sol court de plus en plus vite sous ses pieds mécaniques, A moi...A m..o..i...

Julia ne doit pas tomber, n'oubliez pas,  ne pas se salir!!!

Vite, très vite la grille séparant la piste des rails de chemin de fer vient à son secours...ouf, elle s'accroche, et aspire dans la foulée la fumée blanche, cotonneuse, épaisse de la locomotive à vapeur... qui passe à cet instant!

Cette odeur douçâtre, si particulière l'emporte au paradis des acrobates sur trois roues...

Depuis Julia, devenu experte en patinage, se délecte de ce secourable  parfum...

Vous rappelez vous cette odeur?

Il y a bien longtemps...lorsque les trains faisaient.... tchu..tchu

  

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Présentation

  • : Le blog des livres de julia
  • : ce blog: pour tous ceux ,qui comme Julia, marranne du Portugal, sont à la recherche de leur identité juive. Architecte d'intérieur et gourmande elle vous transmet des conseils en déco, et de délicieuses recettes .
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  • leslivresdejulia.over-blog.com
  • issue d'une famille de marranes,je suis très attachée à mon identité juive,et à toutes ces traditions qui ont bercées ma jeunesse. 
 je suis passionnée pour mon métier d'architecte d'intérieur et par  l'écriture  qui me permet le rêve.
  • issue d'une famille de marranes,je suis très attachée à mon identité juive,et à toutes ces traditions qui ont bercées ma jeunesse. je suis passionnée pour mon métier d'architecte d'intérieur et par l'écriture qui me permet le rêve.

l'auteur

Chantal FIGUEIRA LEVY, écrit depuis quelques années des romans autour de personnes réunies par la même recherche d'identité.

Son personnage principal est Julia FRANCES.

Dans la vie professionnelle, Chantal FIGUEIRA LEVY est architecte d'intérieur, et de ce fait , son héroine évolue dans ce milieu.

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