http://www.les2encres.net/pages/ouvrage.php?template=ouvrage_detail&ouv_id=440
Paris, 1962, année en demi-teinte, dans un immeuble du 13ème. Une assemblée de copropriétaires, banale, voire même rasoir. Mais si vous réunissez :
- Une syndic mariée avec un Allemand,
- Un fourreur snob, infatué, dirigeant d’une main de maître des propriétaires
sous influence,
- Une avocate, blondasse et mal ébarbée, amoureuse de ce bellâtre,
- Un pied-noir tombé là par hasard,
- Une concierge que les rumeurs disent collabo, décédée en chutant dans un escalier… menant nulle part,
tous les ingrédients sont réunis avec humour, afin de donner au 44… Gobelins une raison d’être visité. Mais… la concierge : accident, suicide ou meurtre ?
Et si vous tiriez le cordon ?
"Pour certains vous avez entraperçu la couverture, pour d'autres vous avez assisté à sa naissance sur le mur facebook de Cent Alentar, son créateur.
"Pour certains vous avez entraperçu la couverture, pour d'autres vous avez assisté à sa naissance sur le mur facebook de Cent Alentar, son créateur.
Maintenant, vous pouvez enfin tirer le cordon et pénétrer dans cet immeuble du 44... Gobelins, afin de déchiffrer le livret orchestré par Chantal Figueira Lévy.
De l'humour, du rythme, de l'émotion et du suspense.
Suivez le conseil de Joseph Joffo : À lire absolument !
Pour réserver le livre de Chantal Figueiras Levy " 44...Gobelins. La concierge est dans l'escalier " à paraitre le 20 décembre 2013 au tarif préférentiel de 13,80€ avec une préface de Joseph JOFFO.
Nous vous invitons à vous rendre sur la page de notre site:
http://www.les2encres.net/fichiers/reservations/resagobelins.pdf
Vous pourrez télécharger le bon de commande, le remplir, et nous le renvoyer avec votre règlement par chèque.
Vous pouvez aussi le commander via Paypal en cliquant sur "ajouter au panier".
http://www.les2encres.net/pages/reservation.php?titre=Prochaines%20parutions&template=resultat&cont_id=0&id_menu=12
Dans un royaume incertain vivait un Président...
Royaume...Président...une antinomie me direz-vous.
Que nenni, notre Président paradait, se montrait, se pavanait parmi sa Cour de ministres,
secrétaires, députés, enfin vous l'avez compris d' hommes liges totalement dévoués à sa
cause!
D'entretiens en conciliabules, de requêtes en ligiférations, de téléphones en textos,la journée s'épuisait ... Il avait l'oeil sur tout!
Harassé par cet épouventable prise de tête... Tard le soir il quittait son Palais et regagnait ses pénates dans un quartier feutré de Sa Capitale, et redevenait un homme normal!
Un soir, lequel peu importe...peut être est-il plus fatigué qu'un autre...
Confortablement installé dans un canapé d'une grande marque suédoise, seul devant son téléviseur, il regarde sans vraiment le voir un film américain d'une quelconque
série B...
Quand soudain une petite voix venue de nul part l'interpelle!
- EH! Président, te souviens-tu de moi?
Nous étions copains lorsque tu fréquentais les grandes écoles, nous échangions, nous ferraillions ferme sur un mot, un thème, une idéologie, et je crois savoir que ma contradiction n'était pas pour te déplaire. Déjà tu te sentais au-dessus du panier et cela n'est pas si facile à vivre!
- EH! Président tu m'écoutes?
Je crois qu'il est temps que je revienne, car je trouve que tu nous joues un peu trop:
Le Président au pays des merveilles...
Regarde autour de toi, oublie ton Palais, visite les villes, les villages.
Écoute les humbles, les sans noms, les sans grades, les sans domiciles, les sans tous ce que tu veux...
Oublie les cireurs de pompes qui te disent n'importent quoi.
Tu es Président.
Regarde ton peuple, il ne te comprend plus!
Sais-tu au moins que certaines Communautés de communes ont augmenté de 450%
la taxe professionnel?
Penses-tu aux entrepreneurs, aux artisants, aux commerçants summergés
par des taxes de toutes sortes?
Sommes nous revenus sous l'Ancien Régime?
Et je peux t'en apprendre plus encore!
Je te le dis tout de go.
Président, ta Politique économique est désastreuse, calamiteuse, éhontée au regard de l' égalité dont tes hommes s'emplissent la bouche.
Que sais-tu de la vie de Monsieur Tout le Monde, toi qui te veux Normal?
T'est-il déjà arrivé d'être sans argent le 15 du mois?
T'est-il déjà arrivé de chercher un emploi?
T'est-il déjà arrivé de rêver que tu perdais ton travail?
T'est-il déjà arrivé...j'arrête là, la liste risque d'être ennuyeuse, pour le déconnecté du réel que tu es devenu.
Alors, pour une première fois je vais te laisser à ces quelques réflexions.
ah! j'oubliais, ajuste ta cravate, fais raccourcir ton pantalon, car sur les photos de presse:
Toi, Président, tu ne corresponds pas à l'idée que le monde se fait du chic
Français.
Pardonne mon insolence, mais les petites voix sont souvent mal éduquées!
Petite fille et fille d'immigrés, ma famille m'a inculqué la notion de liberté, d'égalité et de fraternité si cher au coeur de chaque Français de souche.
Pour nous, pièces rapportées, nous n'avions qu'un désir: nous couler dans le moule et devenir de parfaits citoyens, fiers de notre nationalité toute neuve.
liberté, égalité, fraternité... trois mots sur notre drapeau : la beauté à l'état originel!
Pourtant...
En lisant Le Point, hier, vous savez ce journal que l'on ne peut qualifier de Droite...
mais n'est-il pas bon pour s'informer de lire la presse de Droite et celle de Gauche...dans la limite du sensé, de la caricature et du pamphlet.
Donc en lisant le Point, page 48 et 49, je découvre un article intitulé: Solférino, paradis social...
Cet article écrit par Michel Revol, a le mérite d'être explicite.
je vous invite à visiter le Site du Point du 1er novembre pour connaître:
la convention collective en or du PS," calquée sur celle de la fonction public, mais en beaucoup mieux" n'oublie pas de préciser l'auteur.
Juste en amuse bouche, je vous livre quelques articles:
- durée du travail 33h45
- congés: après le cumul des "congés d'hiver, des journées chômées conventionnelles" etc. 8 semaines
- congés maladie: aucun délai de carence, et cerise sur le gâteau, on peut manquer 2 jours sans mot d'excuse!
-mise à disposition aisée: si l'envie vous prend d'intégrer un cabinet ministériel...
ou d'aller à la pêche aux moules!
-licenciement: pas de problème, rester cool, si personne ne veut de vous, l'article 11.1
stipule: que l'on doit vous reprendre! C'est bien?
et le meilleur pour la fin:
-retraite cadeau:
à 60 ans bien sur!
indemnité calculée dans les mêmes conditions que pour un licenciement
soit environ 1 an de salaire
le mieux c'est l'article 12.4:
"12 mois avant le départ effectif à la retraite ou en préretraite le personnel bénéfinie d'une promotion, accompagnée d'un coup de pouce salarial.
Après l'hémorragie massive vers les cabinetsministériels...Solférino recrute!
C'est tentant, les bas salaires tournent autour de...2000e !
Dans ma petite tête de Française lambda, je ne pensais pas que le mot EGALITE
pouvait se définir de cette façon!
Rassurez moi...ai-je mal compris, mal interprété la définition concoctée par nos chers Immortels?
Aidez moi: que pourrions nous mettre à la place?
le mètre étalon garantissant ce mot, aurait-il perdu ses repères?
Dans la salle de l'ancienne Mairie de Barbâtre,cette langue de terre qui enlace l'île de Noirmoutiers, ils sont tous réunis, serrés les uns contre les autres.
Tels des potaches...sur le retour pour la plupart...ils attendent.
Le silence n'est pas de mise, l'assistance est même dissipée, comme pour conjurer
l'anxiété qui monte. Malgré tout on la sent présente, palpable, prête à exploser!
Le jury s'installe, puis enfin le Président arrive, suivit de son assesseur portant
les prix.
Je me retrouve quelques années en arrière, beaucoup d'années, j'avoue ne pas oser les compter.
J'ai concouru dans deux catégories...en claironnant haut et fort, que je n'attend rien,
que je l'ai fait pour le plaisir d'écrire, etc!
Baliverne!
Arrivée au pied du mur, plutôt au pied de l'estrade, je sens mon plexus se nouer, j'ai chaud, je me trémousse sur ma chaise, je compte les poutres du plafond...et oui on s'occupe l'esprit comme on peut...je regarde mes voisins qui ne paraissent pas plus sereins que moi, sous leurs zenitudes apparentent.
Le brouhaha augmente, le Président fait durer le plaisir.
Il joue avec nos nerfs, ne sait-il pas que certains dans cette assemblée, vu la moyenne d'âge, risquent une crise cardiaque!
Enfin il demande le silence...
Et comme à l'école...au temps jadis...celui-ci occupe la salle; même une mouche
indiscrete s'installe sur la feuille d'un ficus posé là pour l'occasion, et n'ose plus voleter.
Un des juges prend la parole, disant la qualité des textes, ajoutant ... quoi, je ne l'écoute plus. J'ai envie de dire: stop, nous voulons du concret.Les résultats.
Nous les attendons tous.
.
Enfin...après un temps qui me semble très long, chacun des juges ayant disserté sur les sujets, le Président, s'éclaircit la voix et appelle les noms du premier au cinquième.
série: nouvelles avec pour thème l'espoir
oy, j'ai écris une nouvelle...dans cette série
le 1er, puis le 2ème sont appelés...je me fais très petite sur ma chaise!
puis enfin 3ème...j'entends mon nom, tel un robot, je vais, non je vole, chercher mon prix.
Félicitations d'usage...
Et je retourne à ma place, en pensant que je vais me faire enguirlander par ma Mère car je ne suis pas 1ère!
D'autres catégories défilent, puis:
Voici le Thème: Traditions et culture...que suis-je aller faire dans cette galère, pourquoi avoir concouru deux fois...je dois être maso!
1er...
là je suis plus sereine, je peux relever la tête, car j'ai déjà un prix. Je pourrai toujours dire, qu'ils n'attribuaient pas plusieurs récompenses à la même personne , etc.
2ème...miracle, de nouveau je suis invitée à la tribune.
Peut mieux faire dirait ma Mère!
je suis sur un petit nuage, je me redresse, je cabotine, j'ai six ans et je viens de recevoir le prix d'honneur.
Ensuite, chacun leur tour, les couronnés de lauriers liront un extrait de leur texte, et recevront les applaudissements de leurs pairs.
je crois que je recommencerais l'année prochaine, et même ailleurs si l'occasion se présente, car grâce à ce concours, j'ai retrouvé les sensations de mon enfance...
n'est ce pas le meilleur moyen pour rajeunir?
Nouvelle: le texte: 70 ans ne pas oublier
traditions et culture: le texte: Jeunesse volée
Hier au soir, pendant que la pleine lune faisait la causette avec son ami le vent, je suis conviée par Zaza la blonde aux cheveux de lin à une E. Clade,me précisant qu'elle part s'enquérir d'E.Pine!
Une E.Clade qu'est ce à dire?
Connaissant le langage particulier de mon informaticienne de voisine, chemin faisant je suppute...Ne voulant paraître béotienne au regard de mon imprévisible comparse
j'avoue avoir jetté en douce, un oeil furtif dans mon dico préféré.
je vous transcrit la définition:
Clade: groupe d'animaux ou de végétaux ayant une origine évolutive commune.
Je me triture les méninges, et me demande ce qu'elle peut bien
mettre en ligne?
serait-ce ses deux matous?
- animaux
-clones parfaits: unité de couleur, de douceur, et de gourmandise
-développement évolutif commun: ils s'arrondissent de concert
pour l'E.Clade, je pense comprendre, quoique...pourquoi vendre en ligne ses chats?
mais l'E.Pine...alors là!
La définition du dictionnaire...que la morale m'interdit de répéter...me laisse pantois! Arrivée devant l'huis entrouverte, j'hésite à franchir le seuil, m'attendantau pire...je l'avoue, car je n'ai pas réussi à décrypter cette E.Pine.
Que peut elle mettre en ligne sous cette appellation?
Stupéfaction: dans son jardin où les antennes poussent comme des courgettes, devant le barbecue, officient deux gâtes sauces, biens replets.
le premier fait un puzzle avec des moules, petites, noires, brillantes. Avec délicatesses, il les emboîte, et forme petit à petit un carré d'une divine proportion...je n'oserais parler du nombre d'or...quoique!
le second: plus pragmatique, s'active avec des tuyaux qu'il semble préparer.
Les points d'interrogation envahissent mon crâne me conférant l'air d'une gorgone en détresse. N'étais-je pas conviée à une vente en ligne?
Je ne comprend pas.
Toute guillerette, ma Blonde enshortée de noir donne ses ordres aux deux marmitons de service.
Le puzzle terminé, ces magnifiques mollusques lamellibranches comestibles, sont recouverts d'un épais tapis d'aiguilles de pin d'une main experte et autoritaire par le
cuistôt de service.
Et Zaza de me dire: regarde toutes les épines de pin que j'ai ramassé!
Je commence à comprendre: je suis simplement conviée à déguster une éclade de moules, qui dans le langage Zazaesque est devenue: Une E.clade aux E.pines...de pin, car chez elle le mot épine remplace tout simplement le mot E.guille, pardon aiguille.
Voilà qu'elle déteint sur moi!
CQFD. je suis rassurée!
Toutefois la fête ne fait que commencer.
N'a-t-elle pas suffisamment payé ses gâtes sauces?
Ont-ils voulu se venger?
Je dois avouer que le spectacle pyrotechnique fut des plus réussi!
La flamme était belle, élégante, montant haut dans le ciel, à la rencontre de la lune bien pleine.
Et que je t'ajoute des épines-aiguilles de pins. Malgré le temps frisquet, pour un peu j'aurais sauté le feu, comme à la Saint Jean!
La flamme tout juste éteinte, nos deux préposés au barbecue s'activent:
- et que je t'enlève ces fichus épines-aiguilles carbonisées à l'aide d'un séchoir à cheveux détourné depuis longtemps de sa fonction première.
- le vent fera le reste!
Armé d'un "friquet" écumoire en langage du cru, notre belle aux cheveux de lin
friquette les moules...ou du moins ce qu'il en reste!
car le vent ayant activé la combustion, je me retrouve avec une assiette pleine
de coquilles carbonisées!
Dans ces décombres, je cherche la jolie petite moule ayant sut résister au feu de l'enfer.
- je vais trouver la coquille vide, éclatée, noircie.
-plutôt qu'une éclade, je serais tentée d'appeler ce salmigondis: éclate de moule.
-je vais trouver la moule rattrapée dans sa fuite , ouverte la chair collée à la parois
- je vais trouver celle qui à résistée, et tel Priapos, c'est érigé vers le ciel...attendant certainement que le marmiton-pompier active le jet!
Mais de moules à déguster que nenni!
De plus une odeur d'incendie, vous savez ce parfum à nul autre pareil envahit mes vêtements, mes cheveux, mes doigts, et je m'attends à voir surgir la société de décontamination après sinistre.
Zaza déconfite, devant la mine réjouit de ses marmitons félons, s'empresse de préparer des linguines servit dans la précipitation: al crudo et non pas al dente!
Je pense que la pleine lune une fois de plus à tourneboulé les esprits!
Si par le plus pur des hasards, vous connaissez la recette de l' éclade de moule, je serai
heureuse de la transmettre à ma chère Zaza aux cheveux de lin.
Je n'aime pas la voir déconfite, car elle est précieuse à mon coeur, et puis lorsqu'elle daigne paraître le rire est assuré.
une manière originale de manger du cassoulet...sans prendre de poids,
et puis cela réchauffe en cet été hivernal !
ingrédients:
pour 4 personnes
-4 steak de thon rouge
-500g de haricots blanc, genre "mogette"
-1 oignon piqué de clous de girofle
-4 échalotes
- 1 tête d'ail en chemise
- 6 tomates fermes
- 1/2 litre de vin blanc sec
- chapelure
faire cuire les haricots blanc selon votre habitude en mettant l'oignon et ses clous,
un bouquet garni, sel poivre et l'ail en chemise pour moitié.
dans une cocotte, faire revenir rapidement les steaks de thon coupés en morceaux dans un peu d'huile d'olive, réserver.
dans cette même cocotte, faire suer les échalotes, l'ail avec sa liquette, et ensuite ajouter les tomates coupées en petits cubes.
lorsque le tout est un peu doré, mouiller avec le vin blanc et laisser mijoter à couvert
pendant 15 minutes.
faire préchauffer votre four à 150° grill
dans de ravissants caquelons en terre individuels mettre:
-1 couche de haricots préalablement égouttés
-quelques morceaux de thon
-1 couche de haricots
-1 couche de tomates un peu confite
-arroser l'ensemble d'un peu de bouillon de cuisson de haricots
-recouvrir de chapelure et mettre quelques noisettes de beurre.
faire gratiner
attention ne laisser pas noircir...juste griller
un plat sympathique, qui réchauffe, qui ne prend pas trop de temps et ne nécessite
pas trop de vaisselles.
mettre directement sur la table! attention ça brule.
idéal pour cet été insolite!
bon appétit...
Jeunesse volée…
Début Mars 1943…16 heures environ
Le printemps pointe le bout de son nez. En signe de renouveau, les jeunes pousses
les marronniers de l’avenue Ledru Rollin commencent à s’ébrouer timidement.
Rewka, ses yeux d’un bleu tendre voilés de mélancolie, dans son petit logement
situé au-dessus de l’atelier d’ébénisterie de son mari, vaque à ses occupations.
L’eau chantonne dans le samovar, unique rescapé de leur départ de Vilna .
Un peu de cuisine, quelques ouvrages de couture abandonnés, car son esprit est
ailleurs. Depuis un mois déjà, son mari est parti afin de ne pas être interné.
Un bruit court, une rumeur peut être : seuls, les hommes sont emmenés dans
des camps de travail, en Allemagne ou ailleurs, nul ne le sait. Alors, ils se
cachent.
La cour vidée de sa substance n’est plus que silence.
Hiena, sa mère âgée maintenant de 77 ans, somnole dans l’unique fauteuil de
cet appartement tenu avec amour. Sa tête dodeline doucement, son menton
incliné sur sa poitrine de moins en moins opulente.
Ses mains épaisses, reposant sur ses genoux sont la cartographie de ces années de labeur en Lituanie.
Que de chemin parcouru depuis leur départ de là-bas ! La vie est tellement plus
facile maintenant qu’ils vivent en France.
Rewka aime ce faubourg, et puis le 46 lui rappelle le shtetl de son enfance.
Yacco le doreur, la plaisanterie en permanence à fleur de lèvres, comme
un hymne à la joie. La joie d’être enfin en France. Un désir tellement puissant
lorsqu’il vivait en Pologne.
Yankel le tapissier subjugue les enfants en récitant une fable De La Fontaine
en yiddish avec des semences plein la bouche. Un fakir honni par les mères
vivant dans cette cour.
Elie le laqueur aux mains cartonnées à vie par les produits employés, veuf
depuis peu, seul homme encore présent afin de ne pas abandonner sa fille.
Ces hommes animaient cet endroit, les rires fusaient, les yiddishs Litvak, et
Polak se mêlaient, donnant lieux à des moqueries réciproques.
Chaque famille échange ses recettes.
Latkes*…avec ou sans œufs ?
Gefilte fish*…salé ou sucré ?
La compétition entre les ménagères ne peut conduire qu’à la recherche de la
perfection gustative.
Le 46 du faubourg Saint Antoine, une cantine à ciel ouvert où les occupants de fenêtre en fenêtre, de porte en porte, goutent un pitselé* juste pour tester.
Seule ombre au tableau, la concierge de cette cour pas si particulière pour le
quartier. Petite, rondouillarde par le saindoux avalé, un naevus au poil démesuré s’anime dès que son menton s’agite.
déicides, elle officie depuis son mirador.
Elle passe son temps à les houspiller. Grommelant en remuant ses bajoues :
« sales youpins ».
Pourquoi sales ? demande Samy, qui en ce jour de mars, allongé nonchalamment
sur son lit cage, plus jamais replié depuis quelque temps, feuillette un illustré.
Un an déjà que Samy âgé de onze ans, ne va plus à l’école. Depuis l’obligation
de porter l’étoile jaune, et le départ de son Père, Rewka le couve un peu plus.
Et ce couvre feu ramené à dix huit heures, les contraints à rester à la maison.
Les journées sont longues pour un gamin plein d’envies !
Le décret promulgué le 29 mai 1942, et l’ordonnance entrée en vigueur à
partir du dimanche 7 juin, ont bouleversé la vie des juifs réfugiés dans
ce pays des « droits de l’homme ».
Samy rêve en observant les premiers moineaux picorer de leur bec délicat les
quelques miettes du strudel confectionné avec si peu de pommes et de sucre, mais
encore de la cannelle, son goûter d’aujourd’hui. L’insouciance de son jeune âge,
ne lui fait qu’entrevoir la réalité. Il veut jouer aux billes, rire, se promener,
aller au cinéma. Il y a tant d’interdits pour les Juifs! Il ne comprend pas.
Tel un jeune poulain, il piaffe. Il veut oublier sa condition de « sale juif »
que les enfants grands et petits, lui balancent au visage, dès lors qu’il met les
pieds dans la rue escorté par sa magnifique étoile jaune. Le regard des autres
est difficile à supporter pour un garçonnet. Pourtant vivant dans le 12 ème,
ce quartier qui est un peu un ghetto, il devrait passer inaperçu. Il faut croire
que tout Paris est devenu « anti youpin » !
Soudain, un serrement de freins, puis deux, trois, et d’autres encore, et le
crissement des pneus sur le pavé, troublent la quiétude de ce lieu maintenant
désert même en semaine.
Les portières claquent, des voix, reconnaissables entre toutes envahissent
la cour, qui par sa configuration fait caisse de résonnance. Des chiens aboient.
Les oiseaux si bavards ont suspendu leurs trilles.
Rewka, la reine des latkès, les mains souillées de pomme de terre râpée, restées en suspension, s’approche de la fenêtre.
L’effroi se lit sur son visage. Kayn aynoré* murmure-t-elle.
Samy, se faufile derrière elle et aperçoit des camions, des motos. Sa cour,
si vaste est devenue en l’espace d’un instant un énorme garage.
Pris d’un étrange malaise, un orchestre « jouant dans son ventre une grande
symphonie », la peur certainement, tel un automate, il se précipite dans
les toilettes situées sur le palier, en oubliant, dans son hébétude de mettre
le crochet intérieur.
Inconsciemment, il vient de se sauver la vie.
Ce vacarme… soudain attire les occupants aux fenêtres, la police française
et les Allemands unis pour la même cause, accompagnés par la bignole, qui
avec force salamalecs, du haut de son un mètre quarante cinq montre de son
doigt boudiné les endroits où vivent encore tant de youpins.
- Ils sont là… j’en suis sûre… allez y.
Il n’y a pas d’autre sortie.
Une fois sa peur « soulagée », il se glisse par la fenêtre des toilettes donnant sur la toiture terrasse de la loge, et repousse le ventail.
Pourquoi n’est-il pas retourné auprès de sa Mère ?
Une curiosité toute enfantine, peut être ?
L’habitude de se cacher dans ce repaire, devenu pour lui un salon de lecture ?
Un instinct de conservation ?
Le destin flirtant avec la chance ?
Tétanisé, allongé par terre, aplati comme un latkès, les yeux à hauteur du faîte
de l’acrotère, il surplombe la cour.
Deux camions bâchés, cinq motos placées en travers de la porte, chevauchées
par des hommes aux bottes accrochant les rayons du doux soleil de ce mois de renouveau, l’arme au poing ; des policiers français en pèlerine un peu en retrait,
trois molosses tenus en laisse, emplissent la cour.
Bien rôdés à ce travail, les Boches se répartissent et grimpent rapidement dans les quatre escaliers en même temps. Ils martèlent toutes les portes à coup de
crosse de fusil, tambourinent, crient.
Ouvrent celles de tous les WC.
Leurs hurlements ayant le don de faire aboyer les chiens, effraient les occupants,
pour la plupart des vieillards, des femmes et des enfants.
Cela est efficace, en moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, dans
ce vacarme épouvantable, il voit apparaître :
- Elie le laqueur et ses mains cartonnées, sans sa fille Jeanine.
- La femme du doreur, ses deux petits rouquins accrochés à ses jupes,
tirant plutôt que ne portant une valise, et quelques sacs.
- Celle du charpentier, il manque son fils.
- Son copain Jacques, son sac de billes, son trésor de guerre dans une main et son cartable dans l’autre. Mais où est sa mère ?
Ainsi de suite au fil du temps qui passe tous les logements se trouvent
consciencieusement, méthodiquement vidés.
Puis… il les voit.
Sa mère coiffée de son chapeau des grands jours, portant plus que soutenant
sa grand-mère enveloppée dans son châle aux dessins cachemires ayant servi
d’emballage au samovar, lors de leur venue en France, et leurs maigres baluchons.
Ses yeux noyés de larme les fixent intensément.
Il veut les appeler, mais reste muet.
Il veut les rejoindre, une force surnaturelle le cloue au sol.
Pourquoi est-il incapable de crier, de bouger?
Avant de monter dans le camion, sa mère imperceptiblement lève la tête en
direction de sa planque. Elle seule connaît sa passion pour ce toit terrasse lorsqu’il désire s’isoler pour lire ou rêver.
Leurs regards peut-être échangés, ce clin œil furtif comme une bénédiction
accordée, fut longtemps pour lui un réconfort, mais il ne pouvait imaginer que
cela serait leur ultime complicité.
Enfin la caravane s’ébranle, le quota est rempli, l’immeuble est vidé, débarrassé
de sa vermine, une épuration dans les règles de l’art.
Il ne reste plus qu’à décontaminer.
Un lourd silence règne dans la cour. Les oiseaux sont-ils muets ?
Ou bien simplement, respectent-ils l’omerta ?
Incapable de bouger, il reste ancré dans le sol, des larmes silencieuses coulent
le long de son nez, arrosent ses joues, mouillent sa chemise sans qu’il ne songe
à les retenir ou les essuyer. Son corps n’est que frissons.
Inconsciemment, il sait qu’il doit se cacher de Dame Cloporte, ne l’a-t-il vu
minauder, mégère moustachue avec les vert de gris ?
La nuit tombée, délicatement il sort de son refuge. Les chaussures à la main,
il monte les quelques marches le séparant de l’appartement. Il pousse la porte,
celle-ci juste appuyée sur le chambranle, s’ouvre. Il a toujours pensé que c’était
un acte volontaire de sa mère. Sa façon de le protéger, une dernière fois.
Il rentre, et la referme doucement.
Affalé sur son lit, il a pleuré très longtemps, jusqu’à ce que le sommeil tarisse
ce déluge.
Tôt réveillé, par une aube indiscrète, les volets étant restés ouverts,
il a préparé quelques effets, des babioles inutiles, pris de la nourriture et
les illustrés et il a attendu que la pipelette, comme chaque matin parte
faire son marché à Aligre, et biberonner en chemin.
Prestement, il s’est retrouvé dans le faubourg.
Couvé par sa Mère, il ne connaît pas l’adresse de ses oncles et tantes
demeurant à quelques arrondissements de là.
Il a onze ans. Où se réfugier ?
Il erre, combien de temps, il ne saurait le dire, sa mémoire a occulté une
grande partie de cette période.
Il se rappelle vaguement avoir dormi dans des escaliers, dans des toilettes,
de la faim ressentie. Il restait dans son quartier, espérant rencontrer des
têtes connues et amicales, et puis c’était son unique univers. Il n’avait pas
l’habitude de sortir seul, il avait peur de se perdre, mais n’était-il pas perdu ?
Comment a-t-il rencontré le fils du charpentier, absent le jour de la rafle ?
Il ne se souvient plus. Un miracle. Le destin décidément clément avec lui, une
fois encore.
Un peu plus âgé que lui, il le prit sous son aile et l’emmena rue Amelot, mais là
aussi tout est flouté.
Après, les choses vont s’enchaîner très vite.
Des noms comme David Rapoport, Jacoubovitch, comité Amelot tournent
dans sa tête, sans qu’il puisse les rattacher à un personnage, un évènement, une
situation. Qu’ont-ils fait pour lui ?
Une moustache, une barbiche, des lunettes rondes, en métal ou écaille peut être,
il est incapable de dire si tout cela appartenait à la même tête.
La douce voix d’Esther chante dans son oreille, mais il ne saurait la reconnaître.
Il a changé de nom. Pendant quelques semaines, il a eu une formation en règle,
un entraînement digne des meilleurs espions.
Gilbert Morelaz, il s’appelle Gilbert Morelaz.
Pendant des jours et des jours, des semaines, des mois, peut être, il avait perdu
la notion d’un temps qui n’existait plus pour lui, il répétait ce nom devenu par
la magie des faussaires et de magnifiques faux papiers : son nom.
Gilbert Morelaz, petit garçon de 11 ans, né à Annecy, prenait le train ce mercredi avec sa « tante » pour rejoindre sa pension.
Les siens, où étaient-ils ?
Comment se retrouver, maintenant qu’il s’appelle Gilbert Morelaz ?
Cette question l’obsédait.
Dans le train, il doit dormir, c’est la consigne !
Somnoler le plus possible, notamment lors des contrôles de papiers.
Les paupières mi-closes, la tête douillettement appuyée sur les oreillettes
des sièges en velours rouge des premières classes interdites aux Juifs, il voit
défiler les paysages de la France occupée.
« Sa tante » lit.
Il la regarde en douce, son tailleur gris chiné est habillé d’une étole en renard
argenté.
Renard argenté…il doit oublier ces mots tellement répétés avec son copain
le fils du fourreur, dans un fou rire, lorsqu’ils imitaient l’accent yiddish des
clientes :
- Bonjour, Missiou, je voudrais un manteau en Rinart argeonté »
La ligne de démarcation, enfin.
Cette première partie de voyage lui sembla si longue, le train lambinait,
s’arrêtait, repartait pour s’arrêter encore. Sa tante, imperturbable lisait,
toutefois il s’aperçu qu’elle tournait rarement les pages !
Lorsque des hommes en longs manteaux de cuir se présentèrent à l’entrée
de leur compartiment, sous ses paupières entrebâillées il ne vit que leurs pieds
astiqués, lustrés, luisants, immenses, inquisiteurs.
Ces arpions l’observaient.
Il sentit une douce chaleur envahir son caleçon !
Puis ce fut le trou noir.
Etait-il endormi réellement ?
Etait-il évanoui ?
Gilbert murmure « sa tante », nous sommes arrivés.
Il est incapable d’évaluer le temps passé dans ce train, mais en gare
d’Annecy ses gadkess étaient secs.
Il fit connaissance avec les montagnes et trouvait tous ces sapins verts,
bleus, noirs, supportant encore le poids de la neige, alignés comme à la parade
à flanc de rocher...magnifiques.
Et ces petits chalets en rondin de bois. En regardant ce paysage, il pensait à la description de la terre lointaine d’où venait sa famille…sa famille, où était-elle ?
Sa « tante » habitait dans un château, et « Madame La Baronne » comme le
personnel l’appelait lui montra sa chambre.
Interdiction de sortir !
Caché, de nouveau soustrait aux regards des autres, il n’échangeait que quelques
paroles avec sa « Tante » qui quatre fois par jour lui apportait ses repas.
Le reste du temps qui était suspendu à tous les égards, il jouait avec une plume
sortant d’un édredon ; une ficelle avec laquelle il faisait la tour Eiffel, et toutes ces figures apprises avec les copains ; un rayon de soleil filtrant à travers les rideaux ;
un callot trouvé dans le fond de sa poche, et il relisait pour la énième fois les
illustrés de plus en plus écornés.
Un jour, lequel ?
Elle lui explique qu’il doit rejoindre son école, située dans la montagne, pas très loin de la frontière suisse.
Il croit être resté un an dans cette école à classe unique. C’était plutôt un
pensionnat, car il y dormait. Quoique, ils n’étaient pas nombreux à rester
le soir, trois ou quatre tout au plus, dans cette chambre chaulée pour l’occasion
dans le coin le plus reculé du presbytère. Des lits en fer geignards, emplissaient
leurs nuits de grincements inquiétants, dès que l’un d’eux s’agitait.
A cette époque le cauchemar était à la mode.
Imaginez la musique. C’était à celui qui donnait le plus beau concerto en
la mineur pour enfants perdus dans un monde en folie !
Il apprit à répondre très vite, lorsqu’on l’interrogeait sur ses parents…restés
sous les décombre d’un quelconque bombardement !
Il devait faire pipi, sans fanfaronnade…ne pas montrer son zizi, lui avait
recommandé sa Tante.
Que de fois n’a-t-il regardé en douce, cette maudite quéquette, cherchant dans
les plus petits replis de peau le défaut l’obligeant à la cacher.
Mais où était la tare ?
Le plus difficile pour lui : répondre présent en levant le doigt à l’appel du nom de Gilbert Morelaz.
- Je n’étais plus moi, dira-t-il.
La nuit sur son sommier musical, une question le hante : qui est-il: Morelaz
le montagnard, ou Samy le petit Juif du faubourg ?
Il est Gilbert Morelaz et ne peut répondre à cette angoisse prégnante
devenue lancinante au fil du temps : Comment retrouver ses parents, si
Samy n’existe plus ?
Où était sa mère, son père ? Personne ne peut le renseigner.
En cours d’année scolaire, en pleine nuit, il fut embarqué vers la Suisse,
très vite, direction Annemasse.
Même la campagne savoyarde est devenue dangereuse pour le petit youpin
qu’il est resté au fond de ses pantalons. Monsieur le curé à peur. Ses copains
de chambrée et lui-même devront partir.
Un miracle de plus, car à Annemasse, il va retrouver sa vraie tante.
La guerre est finie, ils rentrent à Paris.
Il entend parler du Lutétia, il entraîne sa tante Hannah, peu encline
à le laisser contempler les ombres qui par vagues reviennent…reviennent d’où ?
Il ne comprend pas pourquoi, seules les personnes âgées sont libérées.
Voilà pourquoi ses parents ne sont pas là, sa mère n’a que quarante ans et son
père un peu plus. On donne la priorité aux aînés. Les plus jeunes reviendront
plus tard !
E t ces vieillards, maigres, hagards, affamés, qui continuent d’occuper l’hôtel.
Il ne pouvait deviner que certains étaient beaucoup plus jeunes que ses parents.
Il attend.
Tous les jours, il s’invente des scénarios plus plausibles les uns que les autres.
Demain ils seront là.
Et un autre demain, succède au demain d’hier.
Pour le soustraire à ce supplice, sa tante veut l’emmener à Reims.
Il refuse. Il s’est débarrassé de Gilbert Morelaz, il ne doit pas changer d’adresse,
sinon comment se retrouveront-ils ?
Il veut aller vivre avec elle dans l’appartement du Faubourg.
Sa détermination est si forte qu’elle cède à ses suppliques, connaissant les dégâts émotionnels que la réalité ne va pas manquer de lui faire subir.
L’atelier de son père, exploité par un Aryen.
Celui du tapissier, c’est le même refrain.
La cour s’est dés enjuivée.
L’appartement de ses parents, son chez lui, occupé par une autre famille…
les meubles, les vêtements, plus rien
Pour se disculper, les locataires remettront à sa tante le samovar, et leur
claqueront la porte au nez.
Il doit se rendre à l’évidence, il n’a plus de maison, a-t-il encore
des parents ?
Brusquement, il est expulsé de son enfance, de son adolescence, plus de souvenir,
plus rien, on lui a tout volé, et pourtant à cette époque, il pensait encore
que ses parents reviendraient.
Ils s’installèrent chez l’oncle Yankel , dans le 10ème pour attendre .
Combien de temps ? Il ne sait plus.
Le trou noir, il a beau fouiller sa mémoire, plus aucun indice, pas la plus
petite information lui permettent de dire que tel jour de tel mois de
l’année 1945, il a enfin reçu des nouvelles laconiques et officielles.
C’est arrivé. C’est tout.
D’abord Hiena, sa grand-mère disparue à Auschwitz convoi n° 49
du 2 mars 1943
Puis, Rewka, sa mère à Sobibor convoi n°52 du 23 mars 1943
Et, enfin la merveilleuse nouvelle, son Père, libéré à Weimar
en 1945, par les Américains.
Où est-il ?
Pourquoi, n’est-il pas encore revenu ?
Il n’y a pas si longtemps, une personne digne de confiance, lui a assuré l’avoir aperçu à Odessa.
Il doit être retenu par les Russes, pense-t-il.
Il veut être là pour son retour.
Il veut être présent, l’entourer, le choyer.
Il a tellement besoin de lui, il rêve d’entendre son rire, son accent.
Il est tous ses souvenirs.
Un conseil de famille nomma sa tante tutrice, jusqu’au retour de son Père.
Personne ne lui demanda son avis.
Il fut assigné à résidence à Reims, lui le petit Parigot a qui l’on n’a pas laissé le
temps de découvrir, d’arpenter, d’ humer sa ville.
Il ne connaît même pas l’hôpital Rothschild !
Son Père ne reviendra pas, emporté par le typhus, quinze jours après sa libération.
extrait du 3ème livre de Julia :Nuit de noce, récits partagés copyright
Retrouvailles <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" />
Tel Aviv. 1957
Dans l’avenue Dizengoff, Roger marche d’un bon pas. Il traverse le square.
Il fait bon en ce mois d’octobre, la touffeur est moins oppressante. Il n’aime
pas la chaleur. Son organisme habitué aux grands froids, regimbe dès que le
baromètre danse la Hora*.
Pourquoi avoir accepté l’invitation de son associé ?
- Yom kippour à la maison, incontournable, lui a-t-il dit.
Mais, Il ne veut plus entendre parler de Pourim, Roch Hachana, Kippour, Pessah, etc. Il a occulté ces réunions de familles, ces fêtes, ces traditions, désapprit la
religion, annihilé sa mémoire, afin d’effacer à jamais l’avenue Parmentier.
Penser à ce morceau de vie amputé par d’autres ?
Une idée insupportable pour lui.
L’amnésie est préférable actuellement. Après…il verra.
Il longe le café Cassit. Parvenu devant l’immeuble Bauhaus, construit depuis
dix ans environ, avec ses balcons en mamelons rebondis, et ses jardinets circulaires,
il hésite.
Pourquoi ne pas passer cette soirée dans son quartier général ?
Le café Rowal, ce nouvel endroit devenu à la mode très rapidement, est fréquenté
par la classe huppée de la ville. Il y a ses habitudes, depuis que Yoèl, son associé, l’a présenté.
Mais… c’est Yom Kippour. Il est fermé!
Devant la porte de ce bel immeuble cossu, il hésite…
L’arrivée tonitruante de deux militaires l’empêche de faire demi-tour.
Il se ressaisit et grimpe les deux étages entrainant derrière lui une partie de Tsahal*.
Son premier Grand Pardon, depuis sa visite éclair à Nevers en 1942.
Il frissonne, sa peau se glace à l’évocation de cette ville…maudite, siège de la Kommandantur 568.
Happé par ses hôtes, les éclats de rire des enfants, et la chaleur humaine d’emblée perceptible, son sang retrouve petit à petit le chemin de ses veines.
Il salue ses connaissances. Son associé Yoèl, un sabra* fondateur de la société
de promotion dans laquelle il a pris des participations, lui présente de nouvelles
têtes.
Frank et Shoshana, rose en hébreu, aurait-elle des épines ? pense-t-il en
admirant la superbe plastique de la belle sabra aux lointains ancêtres tartares.
Simon et Primor à la si délicate carnation, une harpiste officiant dans l’orchestre national.
Shulamitt, un bon parti lui glisse Yoèl avec malice.
Et d’autres encore. Il écoute d’une oreille distraite, perdu une fois de plus dans
le néant de sa jeune vie.
Arrivé devant les militaires qui, inconsciemment lui ont forcé la main, Yoèl lui dit en hébreu :
- Je te présente David, un Français, il a vécu des moments douloureux,
comme toi.
- Bonjour dit Roger en regardant ce soldat âgé de vingt cinq ans, ou un
peu plus peut être. Ses yeux accrochent des yeux bleus rieurs, à nul autre
pareil. Il pâlit, est-ce possible.
La stupeur le gagne, il demande :
- David où habitais-tu en France ?
- A Paris
D’un ton impératif, agacé même
- l’arrondissement?
- 10ème
- Ton Père était-il tailleur?
- Oui, répond David de plus en plus interdit par l’attitude Inquisitrice
de son interlocuteur.
D’une voix atone
- 125 avenue Parmentier?
- Oui, comment sais-tu tous cela ?
Roger le dévisage sans rien dire. Parler lui est difficile.
Sa gorge devient sèche. Il déglutit difficilement. Il manque d’air.
- David, articule-t-il, je sais, j’ai changé, je n’ai pas beaucoup grandit.
D’où je viens, on n’arrosait pas les jeunes pousses. J’ai vieilli avant l’âge,
j’ai essaimé au vent glacé des plaines polonaises un peu de ma tignasse
indisciplinée à laquelle tu t’accrochais, gamin, pendant nos vacances aux Sables.
Tu ne voulais pas me quitter.
David le regarde, le scrute plutôt, on sent qu’il fait des efforts pour sortir du
fond de sa mémoire son ami d’enfance, son presque frère.
Il compte. Il a vingt six ans, donc cet homme devant lui en à trente.
Est-ce possible ?
Il ose toucher l’avant bras gauche, furtivement, du bout des doigts, comme pour
effacer les six chiffres grossièrement tatoués, et soudain prestement,
il passe la main dans le reste de ses cheveux bouclés. Ce geste retrouvé de leur complicité d’antan, les fait tomber dans les bras l’un de l’autre.
David pleure doucement.
Roger dont la glotte joue les ascenseurs descenseurs en folie dans son cou un
peu moins décharné maintenant, se raidit.
Une émotion intense les paralyse, et envahit peu à peu l’assistance.
Depuis la fin de la guerre ces retrouvailles sont fréquentes en Israël.
Qui n’a pas perdu un parent, un ami, une relation dans ce chaos dantesque de
cette guerre monstrueuse.
Petit à petit les « revenus » parlent, un peu, très peu. Alors se dessine les
contours de ce que l’on appelle la Shoah.
Assis côte à côte, dans une pièce mise à leur disposition par le maître des
lieux, celui-ci estimant qu’ils avaient des choses à ce dire, plus importantes
que la fête à laquelle ils étaient conviés. Ils se regardent, se dévisagent,
essayant l’un comme l’autre de retrouver dans l’homme présent le garçonnet
d’avant.
Avant…
Les Sables d’Olonne
De 1932 à 1940 les deux familles y loueront ensemble une grande maison.
En grandissant, les deux garçonnets ramassent des coquillages, apprennent le nom des crustacés, partent avec leurs pères assister à la rentrée des pécheurs dans le petit port, puis à la vente si particulière du poisson : la criée. Les signes cabalistiques des vendeurs et des acquéreurs ont le don de les amuser follement. Sur le chemin du retour, ils singent le gestuel énigmatique de ces hommes de la mer.
Et le rituel du soir : la dégustation d’une Sardinette !
Mais ce qu’ils préfèrent le plus, c’est la ferme, où le vendredi, ils vont tous ensemble chercher le poulet, les œufs, le beurre où… le boudin…la kasherout* restée à
Paris, leur permet de découvrir les spécialités de la cuisine française !
Les femmes font claquer leurs sabots de Sablaise sur le chemin du retour.
Maintenant…
Ils n’osent se parler, l’émoi toujours. Imperceptiblement les mains de Roger
tremblent.
David ferme ses yeux, afin de retrouver une image peut être.
Enfin, brisant ce silence lourd de sentiments partagés, Roger, certainement
l’âge, et surtout l’habitude acquise durement de se dominer en toutes circonstances, rompt cette atmosphère chargée de questions non posées.
- Que fais-tu ici ?
Il n’ose demander plus, appréhendant d’entendre, redoutant de le blesser, de
réveiller un passé qu’il a peut être, comme lui, ensevelit au plus profond
de son être.
Mais, bizarrement, comme libéré, David parle. Un flot de mot mit bout à bout
pour meubler le vide que l’on devine dans son regard si bleu.
De sa vie qu’il raconte dans un désordre certain, un trou de quinze années semble
ne pas le gêner.
Qu’a-t-il vécu ?
Ses avants bras, bronzés, musclés, dégagés par les manches courtes de la
chemisette réglementaire de l’uniforme ne laisse pas apercevoir un tatouage,
un numéro, un indice suggérant que lui aussi revient de là-bas.
Puis soudain, comme s’il ne pouvait aller plus loin, la source se tarit et il demande :
- Et toi ?
- Moi…un instant s’il te plait quémandent les yeux
Avec mes parents, nous devions passer la ligne de démarcation
Nous avons pris le train direction la gare de Nevers, lieu de rencontre
avec le passeur.
Tout est arrangé, payé pour partie à Paris et le reste sur place avant de
franchir la ligne magique.
Ils seront une douzaine, peut être plus, de tous âges à se regrouper autour de
l’homme qui régulièrement prend des risques afin de permettre à tous
ces Juifs en sursis de franchir le Rubicon. Cet homme, qui après avoir reçu sa
dîme, les conduira vers la liberté, comment ?
Mystère.
Les voilà à Saint Pierre du Moutier.
- Le passeur nous a demandé de déposer nos ballots dans un camion, afin
qu’il puisse nous les apporter en zone libre. Nous devions nous déplacer
accroupis, ne pas faire de bruit.
Plus que cinquante mètres, environ…
Cette vieille bâtisse se rapproche, bientôt nous allons pouvoir y
pénétrer, et laisser à la porte notre peur de bête traquée.
Nous entrons. Nos yeux doivent s’habituer à l’obscurité.
Ils ne nous en laisseront pas le temps. Une lumière nous aveugle.
Nous sommes cernés par quelques hommes.
Des Allemands.
J’entends le bruit si particulier de la culasse que l’on arme.
Instinctivement, je cherche la main de mon père, persuadé qu’ils vont nous
tuer sur place, dans ce piège pour Juifs en cavale.
Imagine l’angoisse et le désespoir pour tous ceux qui comme nous se sont
laissés bernés par ce passeur véreux.
Si près du but.
Après, ce fut l’incarcération dans une prison de Nevers avec
la police française pour maton.
Pour la première fois de ma jeune vie je suis séparé de ma mère.
Avec mon père nous sommes transférés à Pithiviers. Ce camp d’internement provisoire est géré par la police française.
Le soleil d’août brille et je n’ai pas l’impression de souffrir, si ce n’est
l’absence de ma mère et l’inconnu de notre devenir.
Pour meubler le temps je parle avec mon père de notre vie…avant…
de l’atelier, des clients, de toi, de ton père.
Puis s’instaure entre nous une tendre complicité, un lien plutôt privilégié
avec ma mère jusqu’à lors. Je ne me souviens plus de nos paroles, mais
parfois des bribes ressurgissent, que je m’empresse de chasser.
Nous avons forcement évoqué le futur, notre avenir plus qu’incertain
obligeant mon père à me donner des conseils, faire des recommandations, mais j’avoue avoir tout oublié.
- 21 septembre, fermeture, du moins pour nous du « camp de vacances »
Mais de ma mère pas de nouvelle.
On nous fait monter dans un wagon du convoi n°35. Dans quelle gare,
une sans nom surement!
J’ai le temps de lire 40 hommes ou 8 chevaux en longueur.
Pourtant nous sommes encaqués comme des harengs. Debout, serrés les uns
contre les autres, les Allemands ont le don de trouver encore un peu de
place pour un ultime retardataire désireux de profiter du voyage!
Les hommes et les femmes sont mélangées, et miracle dans ce chaos
indescriptible nous retrouvons ma mère. Ne me demande pas combien de
temps dura ce voyage, je suis bien incapable de m’en souvenir.
Mais ces moments serrés entre mon père et ma mère, ce contact rapproché obligatoire, sentir de si près leur peau, ce sentiment d’être plus fort
parce que réunis, fut pour moi inestimable. Je pense que si j’ai survécu,
c’est en grande partie grâce à toute cette force qu’ils ont essayés de me transmettre, de m’inoculer. J’avais faim, soif, les besoins naturels plus que difficiles à soulager, mais j’étais avec eux, je somnolais
dans leurs bras réunis, j’étais… pour combien de temps encore, leur fils
adoré.
L’arrivée, enfin, au bout de combien de jour ?
La gare de Kosel, hagards, effrayés, on ne nous laisse pas le temps de
nous dégourdir les jambes. Nous sommes extirpés à coup de trique,
les vivants, les moribonds et les morts sortent de concert, accueillis
par la mélodieuse musique de la langue allemande, aboyé par des êtres
n’ayant plus rien d’humain.
Le bruit assourdissant, les coups de feu, les cris, les aboiements des molosses,
les hurlements déchirants des « séparés », et le sifflement des trains
apportant leur cargaison de « sous hommes », sont mes seuls souvenirs de cette arrivée en terre allemande.
Longtemps, nous avons attendus, debout, épuisé, l’arbitraire jugement
d’un SS éructant : à droite, à gauche.
Sans même avoir le temps de me serrer dans leurs bras, mes parents sont
poussés dans la cohue de ceux qui reprennent le train pour Auschwitz
me diront certains, mieux renseignés que moi.
Je suis seul, hébété, j’ai quinze ans, et je vais devoir apprendre à
vivre sans eux.
J’ai peur.
Roger s’arrête, pour chasser les images qui se bousculent et qu’il ne veut
plus voir…jamais.
- Après dit David d’une voix blanche
- Après, quelle importance. Et puis je ne sais comment trouver les phrases
justes pour le dire ?
J’étais dans un autre univers. L’enfer peut être !
- J’ai beaucoup voyagé, marché, de camp de travail en usine, de chantier
en mine. J’ai creusé des galeries, transporté des rails, soulevé des pierres,
fait du béton, appris à me débrouiller. J’ai supporté le froid, la neige, la faim, les coups…
mais je suis là !
- Pour ne pas me perdre, après deux ans *de bons et loyaux services, des
artistes de talent ont tatoué sur mon avant bras gauche ce numéro que
tu peux admirer : 177403. La calligraphie n’est pas parfaite,
le bonhomme ayant un peu abusé du schnaps !
J’ai circulé, pas toujours dans des conditions confortables, mais ils m’ont
fait connaître l’Allemagne profonde, la Pologne et ses mornes plaines
enneigées !
De 1942 à 1945, j’ai visité neuf camps, je suis allé à, Eichtal en Allemagne,
puis à Blechammer en Haute Silésie, chez les Polaks si tu préfères, après une marche dans la neige et le vent pendant quinze jours j’ai découvert
Gross Rosen, Auschwitz, de nouveau l’Allemagne où j’ai visité Buchenwald,
Dora et Bergen Belsen.
Libéré par les Britanniques qui nous sauvèrent deux fois, la première en nous retirant du souffle de l’hydre de Lerne, et la deuxième en nous empêchant
d’avaler le frichti concocté par nos hôtes sadiques jusqu’au bout.
Mais peut être était-ce des rumeurs ?
Je te dis tous cela en vrac car ma mémoire parfois ne veut pas se rappeler!
- Mais ta vie là-bas demande timidement David ?
- Là-bas ?
Une vie d’anesthésié.je n’étais plus un adolescent, je n’étais pas un homme, je n’étais qu’une volonté désirant vivre encore une seconde,
une minute, une heure, un mois de plus, après… c’est après.
- Les miracles, les sibylles, les magiciennes, les fées, les sorcières,
les bons génies, durent se liguer pour me sortir de cet endroit
diabolique!
Roger n’en dira pas plus. A quoi bon étaler ce passé, les mots sont impuissants
devant l’ampleur de la géhenne.
Qui le croirait?
- Je suis libre, mais faible, si faible.
Trente huit kilos sur la balance du pesage !
Je ne sais plus respirer librement, une chape de plomb m’en empêche. La liberté retrouvée ne me rend pas heureux. Que vais-je en faire ?
Je ne suis pas certain de vouloir remercier Dieu de m’avoir permis de revenir.
La - bas je voulais vivre.
La force, la hargne, l’envie de leurs résister, alors qu’ils sont anéantis, ne m’habitent plus. J’avais envie de leurs montrer de quoi était capable un Youpin, mais maintenant, je me demande si cela était utile. Ils m’ont tout volé.
N’ont-ils pas gagné ?
Je suis rapatrié vers Bruxelles. Un accueil chaleureux nous est réservé.
Les Belges nous apportent spontanément de la nourriture, des vêtements, malheureusement importables pour nous, si maigre, mais surtout une commisération, un soutien moral qui fait chaud au cœur.
Je marche avec lenteur, et je lis dans le regard des autres de l’incrédulité lorsque je dis avoir dix huit ans !
Après un bref séjour à l’hôpital, quelques jours je pense, je prends le
train pour Lille avec un certains nombres de « fantômes zébrés ».
Avec indifférence nous sommes entassés, dans les dortoirs d’un
centre d’accueil, mais n’avons-nous pas l’habitude !
Après c’est Paris, le Lutétia, et ses couloirs pompeux, où la dorure à
l’or fin des boiseries tranchait singulièrement avec nos costume à rayures crasseux, bien souvent en lambeaux, multipliés à l’infini par les miroirs
biseautés. Drôle de défilé de mode !
Des vêtements, presqu’à ma taille, un peu d’argent, et me voici jeune homme en liberté dans une ville qui me semble inconnue.
Je suis parti adolescent, je rentre adulte, avec le vécu d’un bagnard aguerri aux vicissitudes de la schlague.
Mes parents, ma sœur et sa famille, mon oncle, mes tantes, mes cousins
tes parents et toi, où êtes-vous ?
Suis-je seul?
Pourquoi moi ?
Je mettrais des mois à comprendre.
L’appartement de mes parents avait été réquisitionné par les Allemands.
Les nouveaux occupants me claquèrent la porte au nez, me criant leur
bon droit de Français bien nourris.
Il fallut beaucoup de temps à la gardienne pour reconnaître le petit
qu’elle avait vu naître, mais consciente de ma faiblesse et de mon désarroi
elle me remit les clés de la chambre de bonne appartenant à mes parents,
qu’elle avait réussi à soustraire à la convoitise de l’ennemi. Je suis enfin
dans un « chez moi ».
Je ne sais comment j’ai trouvé un avocat, afin de faire valoir mes droits
pour recouvrer la propriété de l’appartement.
La nuit, je ne savais plus dormir.
L’habitude des réveils brutaux qui à la longue vous force à somnoler,
ce dormir d’un œil dont nous étions si friands, lorsque l’on nous demandait
de nous coucher pendant les vacances Aux Sables, était devenu une
obligation, si tu ne voulais pas prendre de coup, parce que trop long à te réveiller, ou te faire voler tes maigres affaires.
Les couvertures me paraissent si lourdes, j’avais peur qu’elles ne m’étouffent.
Je retrouvais l’appartement de mes chers parents, mais naturellement vidé
de ses meubles, et des ses machines, vendus par le Haut Commissaire à
la question juive.
Je m’installais avec mes moyens sommaires dans cet appartement devenu gigantesque, tout à coup.
Et j’attendais…leur retour.
Pour conjurer le sort je continuais, en pensée d’obéir à mon père, espérant naïvement, qu’il reviendrait un jour ou l’autre afin de me féliciter.
Cela à durer longtemps…je crois. Qu’allais-je faire de ma vie…sans eux ?
J’étais libre, mais que faire de cette liberté ?
Comme un maraudeur, je rodais autour de la synagogue de la rue Notre Dame de Nazareth. J’y avais fait ma Bar Mitzva., mais je ne me rappelais plus les prières ! J’étais un revenant sur terre et je n’y trouvais plus ma place. Contrairement à toi David, je n’avais plus personne chez qui me réfugier. Inconsciemment, même si je refusais de me l’avouer, je savais
que plus un déporté ne hantait l’hôtel Lutétia, et que ma famille ne ferait plus partie du paysage de ma vie.
Vivre, j’avais voulu vivre, mais le retour à la vie quotidienne me détruisait inexorablement. Etais-je encore Juif alors que je ne savais plus prier ?
J’avais l’impression de gêner tout le monde : les Juifs, parce que revenus,
alors que tant d’autre étaient restés, qu’avais-je fait pour cela ?
Je ressentais alors, une culpabilité profonde parce qu’épargné.
Je dérangeais aussi les Français, passés maître dans l’art de la girouette,
tous résistants en cette fin de guerre, refusant d’entendre parler de collaboration de la police, de délation, de dénonciation, de soumission à
l’ennemie, à Pétain et sa bande depuis longtemps satellite de l’envahisseur.
Je ressentais une incompréhension. J’avais la sensation que l’on refusait
de m’entendre.
Petit à petit, je retrouve un semblant de volonté, et surtout, des amis
de mes parents qui décident de me prendre sous leur aile et me prêtent de l’argent, afin que je m’installe.
Pour faire quoi ?
Je voulais être avocat, mais les Allemands ne m’avaient pas permis d’accomplir
ce rêve.
Je me décidais pour la confection…un bon métier pour un Juif* !
Inconsciemment je mettais mes pas dans ceux de mon Père.
J’achetais des machines à coudre, à repasser, enfin l’attirail du parfait
Shmatologue*, et je commençais par me procurer des modèles que je
démontais afin de les reproduire dans d’autres matières, avec une petite poche
en plus, un col un peu plus long. Je traficotais le modèle à ma guise, puis allais prospecter.
Et pour la première fois de ma vie déjà si bien remplis, je commençais à
gagner de l’argent. Seul, dans mon grand mausolée petit à petit déserté
par l’âme de ma famille, je n’avais pas le courage de préparer les repas,
alors j’allais chez « Max » rue Notre Dame de Nazareth, la table y était bonne, et la fille des taverniers accorte et attirante, avait de tendres regards à mon encontre.
Malgré mon vécu, je ne connaissais rien de la vie, j’avais tout à découvrir :
l’amour, la sexualité, la tendresse, les caresses d’une femme autres que
celles de ma mère, les baisers.
J’étais puceau, et la charmeuse Louise s’empressa de me voler ma vertu !
Elle m’apprit les jeux de l’amour. Je me laissais faire, heureux d’avoir
enfin trouvé quelqu’un pour s’occuper de moi.
J’étais bien incapable de dire si le sentiment que j’éprouvais était de l’Amour, mais je m’en accommodais.
Je voulais être amoureux, amoureux de tout, de l’une de l’autre,
qu’importe, je désirais surtout aimer le futur de ma vie où le passé n’avait
pas de place, et rattraper ma jeunesse enfuit.
Cette jeunesse dont je n’avais pas profité.
Malheureusement, comme dans les romans de gare, je fus foudroyé
par une méningite cérébro-spinale, avec forte fièvre et paralysie de la nuque.
D’urgence je fus admis à l’hôpital Claude Bernard, où le professeur Morin
ne donna pas chère de ma vie.
Profitant de ma semi- inconscience, les parents de « ma Louise » se
pressèrent de m’extorquer une date de noce et surtout me firent signer des papiers pour le contrat de mariage, me dirent-ils
C’est ainsi mon Cher David, que je me fis spolier pour la deuxième
fois de l’appartement de l’avenue Parmentier…par des Juifs!
Mais la pénicilline encore à ses balbutiements, fit effet sur moi, et deux
mois plus tard je convolais avec la belle Louise.
Notre voyage de noce, et ma convalescence se passèrent dans mon
appartement qui n’était plus le mien !
Devant ce nouveau cout du sort je quittais cette Messaline et ayant
réglé mes affaires, je décidais de partir pour Israël.
Je crois t’avoir dit l’essentiel.
Je ne pense pas que je ferai ma vie ici. Il fait trop chaud et puis je trouve
ce pays trop bruyants, j’ai besoin de calme, de silence. Mais grâce à mon association avec Yoèl, je gagne de l’argent.
Dans un an peut être, je rentrerai en France. Je veux reprendre mes études.
extrait du 3ème livre de Julia: Nuit de Noce, récits partagés copyright
Chantal FIGUEIRA LEVY, écrit depuis quelques années des romans autour de personnes réunies par la même recherche d'identité.
Son personnage principal est Julia FRANCES.
Dans la vie professionnelle, Chantal FIGUEIRA LEVY est architecte d'intérieur, et de ce fait , son héroine évolue dans ce milieu.
n'hésitez pas à laisser ici vos commentaires sur le livre :
http://www.leslivresdejulia.com/article-commentaires-sur-gazoute-85290023.html