Dans deux mois, tu vas avoir vingt ans.
Enfin.
L’impatience de la jeunesse, s’ils savaient…les années défilent si vite.
Tes parents te préparent une belle fête dans un restaurant situé aux alentours de Paris : Le moulin de Fourges.
Le bâtiment est magnifique, l’endroit magique, et déjà écologique car l’électricité est fournie par la roue à godets tournant en continu dans le bief. J’aime la complainte de l’eau qui chante lorsqu’elle quitte son petit récipient!
Cette journée restera gravée dans ta mémoire jusqu'à ton dernier souffle.
J’en suis persuadée.
Dans ce cadre ravissant, ils sont tous là.
Les amis de tes parents, tes amis…sont venus…
… Pour certains, admirer ce tanagra, cette beauté si rayonnante dans sa robe en dentelle noire, aux délicates bretelles, agrémentée de gants en chevreau blanc montant au dessus du coude. Une surprise de Mamé…Ne l’a-t-elle pas confectionné en cachette ?
…Et pour d’autres, notamment les copines de ta Mère, dénigrer cette pédante, cette mijaurée, ce poison, cette allumeuse, qui toujours fait de l’ombre à leur progéniture en jupon.
Pour tout bijou, un collier de perles de culture, cadeau de tes grands parents.
Je te trouve divine, racée, le travail de vingt années d’apprentissage.
Merci à Madame Mère… et à toi aussi…Prix d’excellence…Comme il se doit !
Comme elle était belle Mamé, elle avait sacrifié ses longs cheveux à l’autel de la naturalisation.
Avec ton grand père, ils étaient maintenant Français, et depuis elle avait adopté un look parisien.
Ses boucles courtes, que tu remarquais, un peu moins rousses, auréolaient son visage. Elle portait une robe noire dont l’encolure bateau était garnie de guipure montant jusqu’au cou, parisienne, peut être, mais toujours aussi prude, ta Mamé.
Que de fleurs…
Dont un merveilleux bouquet composé de vingt roses rouges baccarat, venant de Chez Lachaume apporté par ton Chéri.
Le soir venu, alors que petit à petit, les invités se retirent, tu remarques que Jean Charles parle avec ton Père.
Il vient vers toi et te dit :
« Nous déposons tes grands parents chez eux, et ensuite, j’ai l’autorisation de ton Papa pour continuer la fête chez des amis.
« Tu as la permission de rentrer à quatre heures du matin, ma Gazoute.
« C’est bien vingt ans.
Mamé n’était pas peu fière en pénétrant dans cette belle voiture.
Sa petite fille chérie la comblait de joie :
-un bon travail
-un beau mariage,
Pouvait-elle rêver plus belle réussite, petite émigrée débarquée en France, il y a si longtemps.
Tes grands parents, déposés dans le 17ème, vous partez…
Extrait de"gazoute ou l'étoile en balsa" copyright.