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27 janvier 2011 4 27 /01 /janvier /2011 18:02

  Extrait de Gazoute ou l'étoile en balsa

 

-         J’adorais mon travail du samedi, j’étais chargée de m’occuper de la petite décoration.

-         C'est-à-dire les tissus, les rideaux, les luminaires…

-        Je pris l’habitude de porter chez mon voisin  le tapissier,  les commandes du samedi. Ce vieux Monsieur, au demeurant, très égrillard, toujours une histoire grivoise à porter de bouche, m’apprit les secrets de ce métier.

Mon amour du bel ouvrage, du travail abouti, c’est à lui que je le dois.

Les lambrequins, les  tètes flamandes, les embrasses, les cartisanes à gland, devinrent des mots familiers à mes oreilles.

-         J’appris à reconnaitre les soieries, les lampas, les taffetas... tous ces tissus employés pour la décoration de l’époque.

-         Je me perdais chez Houles, rue Saint Nicolas, au milieu des passementeries, passepoils et autres garnitures. Le coton mercerisé chatoyait. Je choisissais les couleurs  de ces ganses afin de les assortir aux tissus sélectionnés pour les rideaux de mes clients.

-        J’y passais des moments délicieux.

-         D’emblée, j’ai passionnément aimé ce métier !

-         Et puis, je furetais dans les cours, j’y rencontrais les artisans, qui, héritiers   pour certains de grandes lignéesd'ébénistes, accomplissaient un travail d’exception.       

    Longtemps j’ai travaillé avec eux, malheureusement, les dynasties s’épuisent, car ce sont des métiers difficiles.

-         Le travail issu de la main de l’homme n’est plus reconnu. Trop onéreux pour le commun des mortels, il ne subsiste, que grâce aux commandes de certains architectes et décorateurs, dont je fais partie. Petit à petit, nous perdons une vraie richesse.

-        Jusqu’au bout j’essaierai  de travailler avec ces hommes qui portent l’amour de leur métier comme une bannière !

 

-         Je ne le répèterai jamais assez…j’ai adoré ce faubourg.

-        J’avais l’impression d’y être née. Je connaissais tout le monde…

 Je passais de magasin en magasin, saluer les uns,  embrasser les autres, j’étais en symbiose avec tous ces personnages à l’humour décapant, qui dans un éclat de rire tragique me montraient leur numéro de téléphone inscrit sur leur avant bras… Une ironique manière de dédramatiser leur douleur! 

 

-        Tu ne peux imaginer la mienne lorsque je vis pour la première fois ces chiffres gravés dans la chair  de l’homme par la main de l’homme…  

  

L’Homme : comment associer ce mot si beau à cette abjection

 

Avec eux j’appris à rire beaucoup de moi-même et un peu des autres aussi!

 

-        Se promener dans ce quartier, c’était à coup sur découvrir un passé glorieux fait de sueur et de sang.

-         Chaque immeuble, bien souvent abimé par l’érosion du temps, chaque cour étaient une encyclopédie à ciel ouvert. Les murs parlaient à ceux qui savaient les entendre et les écouter ! Ils transpiraient la petite histoire de l’histoire de France !     

    Derrière chaque façade, vous rencontriez des hommes désirant vous faire partager leur  passion du travail bien fait, fiers du résultat obtenu, toujours en quête du Chef d’œuvre.

-        Et puis les odeurs : des vernis, des colles, et celles, un peu sucrées des patines.

-         Le bruit du marteau des tapissiers, des  semences plein la bouche, tapant un siège, pour reprendre leur jargon, et les petits arpètes, qui pour leur bizutage, allaient chez le pharmacien, acheter :

-        du sirop Decordome !

 

Tu veux m’expliquer ?

Du sirop Decordome, tu soignes quoi avec cette potion magique ?

 

-         Je ne te dirais pas ce que tu veux entendre sortir de ma bouche, que tu juges trop prude !

-         Disons, que le sirop Decordome soigne…..l’affaiblissement de la natalité, dans le monde. Responsable du baby boom, en quelque sorte!!!

-         Es-tu satisfaite ?

-         Depuis le temps, tu devrais savoir que je suis la reine des pirouettes.

 

-          Chaque corporation avait ses règles, et ses devoirs.

 

-         Pour l’apprenti, faire le tour de France pour parfaire sa technique, était

         encore dans les années 66 quelque chose d’important. Puis, il revenait                

         au Faubourg, sûr et orgueilleux de son savoir, afin de relever le flambeau.

-         Les compagnons du devoir  défilaient tous les ans avec leur canne noueuse ou richement sculptée, dans notre faubourg.

 C’était le retour des fils prodiges.

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commentaires

L
<br /> Je ne sais pas si cette ambiance dans le Faubourg perdure encore<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> malheureusement, depuis bien longtemps le faubourg a perdu son âme en même temps que ses ébénistes ont pris une retraite bien méritée...Je connais encore quelques métiers qui perdurent au fond<br /> des cours, mais l'apprentissage ne se pratique plus beaucoup...maintenant il faut aller vite, et l'artisanat se meurt...<br /> <br /> <br /> Dans le livre: Gazoute ou l'étoile en balsa que j'essaie actuellement de faire éditer, Julia se penche avec beaucoup d'affection sur ces hommes qui ont contribué au prestige de l'art en France...<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Le blog des livres de julia
  • : ce blog: pour tous ceux ,qui comme Julia, marranne du Portugal, sont à la recherche de leur identité juive. Architecte d'intérieur et gourmande elle vous transmet des conseils en déco, et de délicieuses recettes .
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  • leslivresdejulia.over-blog.com
  • issue d'une famille de marranes,je suis très attachée à mon identité juive,et à toutes ces traditions qui ont bercées ma jeunesse. 
 je suis passionnée pour mon métier d'architecte d'intérieur et par  l'écriture  qui me permet le rêve.
  • issue d'une famille de marranes,je suis très attachée à mon identité juive,et à toutes ces traditions qui ont bercées ma jeunesse. je suis passionnée pour mon métier d'architecte d'intérieur et par l'écriture qui me permet le rêve.

l'auteur

Chantal FIGUEIRA LEVY, écrit depuis quelques années des romans autour de personnes réunies par la même recherche d'identité.

Son personnage principal est Julia FRANCES.

Dans la vie professionnelle, Chantal FIGUEIRA LEVY est architecte d'intérieur, et de ce fait , son héroine évolue dans ce milieu.

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